L’animal à l’âme
Au croisement de la philosophie, de l’éthologie et de la psychanalyse, ce livre explore la diversité des psychothérapies accompagnées par des animaux, et interroge leurs fondements. Loin de se réduire à de simples substituts affectifs, objets de nos projections, il y apparaît que les animaux sont de véritables sujets, dotés de vie psychique et de personnalité, d’un autre mode que l’humain – et que, comme tels, ils nous engagent dans des relations tout autres qu’humaines.
A l’heure où le soin psychique risque de se déshumaniser, la relation aux animaux, engageant un dialogue particulier d’« inconscient à inconscient », ramène à ce que l’affect a de plus vital et de plus archaïque. Et à l’encontre des clivages entre corps et esprit, elle rappelle à quel point ils sont intriqués.
Carnets de l’autre amour
« En devenant psy, auprès de toxicomanes et d’alcooliques, qui par leur détresse et leur méfiance en appellent à un engagement assez radical, je découvris une forme de cet amour élargi, pouvant accueillir
« n’importe qui », auquel j’avais toujours aspiré. Un amour sans attente, ou presque, mais qui reçoit non moins que ce qu’il permet de donner, une « violente charité », mais qui se concilie à un certain détachement.
Dans le même temps, à relire tout ce que j’avais gardé, depuis mes dix ans, de mes correspondances et mes notes, j’en vins à réinterroger ma façon d’aimer. Or c’était toujours la même question, taraudante, sur ce qui peut mener un amour amoureux à devenir « religieux » – adorant, à travers un être, ce qui le
dépasse. »
Entre « journal spirituel » et essai, au fil d’une pensée en fragments, face à ses contradictions et ses opacités, une interrogation sur ce qui relie, différencie, nourrit mutuellement, amour
« thérapeutique », amoureux et mystique.
Addictions et reliances
Abordée dans le vif de la relation psychothérapeutique, la problématique de l’addiction révèle ici l’un de ses paradoxes essentiels, le délitement des liens y allant de pair avec une aspiration à se relier au « tout ». Mais cet élan à la reliance, qui apparaît là dans toute sa force, ne concerne-t-il pas fondamentalement tout sujet ? Et ne finit-il par ébranler la notion même de sujet, en tant qu’il serait séparé du monde ?
Plutôt que de proposer une théorie objectivante, il s’agit ici d’écouter les questions qui surgissent de parcours d’existence, et d’une rencontre entre patients et psy. La réflexion, souvent, cède le pas au récit. Dans une polyphonie de singularités, les sujets s’y inventent comme s’ils construisaient un roman, se découvrent au fil d’improvisations théâtrales, s’ouvrent à des échanges collectifs – où se déploie leur désir de reliance.
Au passage, la psychanalyse, en ce qu’elle peut avoir de réducteur vis-à-vis de l’élan religieux, s’y voit confrontée à d’autres conceptions du sujet, notamment issues de la philosophie, ou de certaines spiritualités orientales.
La parole comme voie spirituelle
Loin de l’anthropocentrisme qui depuis quelques siècles règne en Occident, dans l’Inde ancienne la parole est tenue pour une force qui irrigue toutes les strates de l’être, de l’élémentaire au divin en passant par le végétal et l’animal. Au lieu de nous séparer du non-humain, elle devient alors ce qui nous y relie – tout en se reliant elle-même aux bruissements du monde non moins qu’à la musique. Dans cette perspective, le chanteur s’accorde aux oiseaux, le poète révèle les correspondances qui unissent l’infime au large, et le cœur de l’homme coïncide avec celui de l’univers.
L’Inde vient par là nous rappeler qu’un cheminement spirituel peut prendre la forme d’une quête esthétique. Le dépassement de l’égocentrisme n’y passe plus par l’impératif de se rendre utile, mais par une joie devant la beauté qui, comme la vie, se donne pour rien.
Nourrie par la pratique du yoga, du chant classique de l’Inde et des mantras, cette interrogation revient aux textes fondateurs de différents courants de pensée indiens, des Védas aux Tantras. Et elle les met en résonance avec certains mystiques et philosophes occidentaux, comme avec des thérapeutes de l’âme qui en appellent aussi à la puissance de la parole.