Carnets de l’autre amour
Cette sensibilité d’écorchés, dont vous vous plaignez tant, et qui selon vous a causé votre perte, tenter de vous la faire voir, aussi, comme ce qui peut aiguiser les saveurs de la vie. “Ah si tu pouvais te voir par mes yeux, comme tu t’aimerais !”, dit l’amante. Or faire voir à l’autre le regard neuf qu’on pose sur lui, n’est-ce pas également ce qu’est censé faire un psy ? “Aimer c’est voir avant les autres” : ceci vaut-il pas encore plus dans cet “amour du psy”, censé voir en celui qu’il écoute ce qu’il pourrait devenir ? Comme j’aimerais vous rendre perceptible cette poésie qui parfois me frappe dans ce que vous dites. Au-delà d’éventuelles rencontres entre des pratiques artistiques et le travail de psy, c’est celui-ci qui de plus en plus m’apparaît comme un art – fragile et imprévisible.
Certes l’art est plus que “thérapeutique”, ne visant pas seulement à “réparer”, mais à “créer”. Cependant que serait une thérapie qui ne serait que thérapeutique ? Et peut-on “se réparer” sans “se recréer” ?
L’incendiée
De tout affaissement, de tout effondrement
faire une assise.
De tout désastre
une invitation à prendre le large.
En contemplant ces flammes n’ai-je pas pensé
« enfin, je vais pouvoir partir ».
De m’avoir jetée dehors
mon Dieu, soyez loué.
Car quelle liberté, soudain
de n’avoir plus rien
quelle paix, quelle souveraineté.
« Tout est perdu dans l’immense ».