Si auparavant il me semblait que travail psychologique, recherche esthétique et processus spirituel constituaient des axes distincts, ils me paraissent de plus en plus intriqués, dans ma vie comme dans ma pratique de « psychagogue ». Ainsi ceux qui s’adressent à moi pour une thérapie se mettent parfois à écrire ; et ceux que j’accompagne dans un travail d’écriture me sollicitent parfois en tant que psychologue. Certains artistes aussi s’orientant vers moi pour une psychothérapie, avec eux le travail ne peut que prendre en compte, et souvent modifier, leur manière de créer ; je verrai un peintre revenir au plus élémentaire de ses tracés, ou une chorégraphe finir par danser avec ses morts. Et que cela tienne au style de ceux qui viennent vers moi ou à la tonalité de mon écoute, en leur recherche, assez souvent, se révèle une dimension spirituelle.
De mon côté, je ressens de plus en plus la nécessité d’ajuster ma façon de parler à celui qui s’adresse à moi – avec son rythme, son lexique, son registre sensoriel. En cela interviennent des résonances qui semblent bien relever du dhvani, cette sorte de contagion esthétique entre le poète et celui qui l’écoute. Avec un jeune homme qui voulait toujours être différent de ce qu’il se sentait être, je me surpris par exemple à dire que « le ciel n’est pas vert » – ce à quoi il répliqua qu’il était daltonien, éclairant par là l’une des sources du décalage permanent qu’il éprouvait vis-à-vis des autres. Le registre du visuel, en particulier des couleurs, étant omniprésent dans ce qu’il disait, j’avais dû me mettre à son diapason.