Carnets de l’autre amour

Carnets de l'autre amour

« En devenant psy, auprès de toxicomanes et d’alcooliques, qui par leur détresse et leur méfiance en appellent à un engagement assez radical, je découvris une forme de cet amour élargi, pouvant accueillir « n’importe qui », auquel j’avais toujours aspiré. Dans le même temps, à relire tout ce que j’avais gardé, depuis mes dix ans, de mes correspondances et mes notes, j’en vins à réinterroger ma façon d’aimer. Or c’était toujours la même question, taraudante, sur ce qui peut mener un amour amoureux à devenir « religieux » – adorant, à travers un être, ce qui le dépasse. »

Entre « journal spirituel » et essai, au fil d’une pensée en fragments, face à ses contradictions et ses opacités, une interrogation sur ce qui relie, différencie, nourrit mutuellement, amour « thérapeutique », amoureux  et mystique.


Extrait :

Je suis tellement affamée de toi que tu me fuis.

Ainsi était-ce ma “passion de l’autre” qui me le rendait inaccessible.

Si ce désir éperdu de sonder l’autre, et l’autre le plus autre, le plus difficile d’accès, le plus incompris, le plus seul, si cela fit le désastre de mes amours et la richesse de mon travail de psy, n’est-ce pas qu’avec mes patients mon désir de comprendre n’est pas désir de prendre – comme trop souvent dans la passion?

Moi pour qui la rencontre, le contact, l’acceptation de l’autre, fut toujours le plus difficile, c’est là que j’ancrai mon travail et ma vie. Comme ceux à qui manquent des doigts veulent devenir pianistes. Pour me rassurer je me dis qu’on en vit de ceux-là qui devinrent virtuoses.

Suivi de

L’incendiée

poème lyrique où s’allient l’événement d’un incendie et une passion, pour déposséder puis ouvrir sur l’absolu d’une acceptation.


Extrait :

De tout affaissement, de tout effondrement

faire une assise.
De tout désastre
une invitation à prendre le large.
En contemplant ces flammes n’ai-je pas pensé
« enfin, je vais pouvoir partir ».
De m’avoir jetée dehors
mon Dieu, soyez loué.
Car quelle liberté, soudain
de n’avoir plus rien
quelle paix, quelle souveraineté.
« Tout est perdu dans l’immense ».