Le Roman dans les ronces

Le Roman dans les ronces

Au quinzième siècle, une religieuse écrit, pour que ne se perde pas la mémoire de sa sœur, qui l’éleva, puis la laissa sur le seuil d’un couvent – lorsqu’elle‑même est conviée par la reine à venir réchauffer le roi mourant. Car le souverain a tant rêvé de devenir un saint qu’il en est devenu fou. Et n’aspirant qu’à se sacrifier, il ne veut pas recevoir l’amour de cette petite servante qui prétend le sauver. Après ses crises de démence, il devra traverser encore l’absolue solitude et la mort, pour reconnaître enfin, en cette passion naïve, la générosité que toujours il avait cherchée.

Dans ce récit inspiré par l’histoire de Charles VI, sous forme de journal intime, s’entrelacent le quotidien d’un monastère, des souvenirs d’enfance, et un roman d’amour – où le Moyen‑Age finissant s’offre au vif de sa pensée, de ses émois, et de ses sensations les plus infimes.


Extrait : 

Il aurait voulu se déposséder, ton roi. Descendre dans les rues, jeter son manteau d’hermine sur le dos d’un pauvre, comme ces marchands qui devinrent des saints. Jette tout, répétait l’Évangile. Se perdre dans la ville, laisser tomber son nom, rejoindre ces vagabonds. Il se serait bien déguisé en l’un d’eux. Il leur enviait le plaisir âcre de manquer. Lui qui avait tout, son seul désir était de dégorger, comme une courge gonflée d’eau, qui se soulage.

C’était un appel d’air, en son âme, un appel d’âme pourrait-on dire ‑  l’âme chez les Anciens n’avait‑elle le même nom que l’air ? Et l’esprit ne souffle-t-il où il veut? Ébouriffant jusqu’aux têtes couronnées, et immisçant dans leurs châteaux la nostalgie des déserts. Une voix clamant dans le désert.