La voix fabuleuse de Maria Malibran, diva du début du dix-neuvième siècle, s’illustra dans les œuvres de Rossini, Bellini, Donizetti, et au cours de ses nombreuses tournées, qui la conduisirent jusqu’en Amérique, connut un succès foudroyant. Mais sa vie tumultueuse contribua aussi à sa légende, et celle-ci s’éleva au mythe lorsque la jeune femme mourut, à vingt-huit ans, d’une chute de cheval. Elle était alors enceinte. C’est à l’enfant qu’elle portait qu’elle s’adresse ici, en un monologue surgi comme d’outre-tombe, où elle rend vie à ses souvenirs les plus intenses, où le goût du sacrifice s’allie à une profonde mélancolie.
Extrait :
Je rentrai en scène. Je repris le dernier de mes airs. Un Bellini, bien sûr. Comme pour tendre la main au plus cher. Pour qu’il la prenne cette main, et me la serre, et me rassure, et m’aide à franchir le pas. Pour que mourir soit le rejoindre.
Je ne sais pas comment je pus encore chanter. On ne sait jamais jusqu’où on peut aller. Il paraît que cela fut très beau, impossiblement beau. Il n’y a que l’impossible qui soit parfaitement beau. Tout ce que je sais, c’est qu’à peine dans les coulisses, je m’effondrai. Le lendemain j’étais morte.
Ne me demande pas de te parler de cela. De tout ce qu’il y a autour, et des autres, je veux bien. Mais pas de moi, pas de ce trou immense qui se fit en moi.