Eros en son absence (extrait)

Je m’arrête, tétanisée, mais elle me tire, en riant, comme elle tirerait vers la vie un mourant, il y a tant de vie en elle, et de désir, ces vagues pourraient, à tout instant, nous faire déraper, mais elle ne pense qu’à profiter de ce bras qui la serre. “Accrochez-vous, accrochez-vous à moi !”, se croit-elle vraiment infaillible, face à la mort ou à ma peur ? “J’aime !” – je l’aurais parié – “j’aime ce vent !”, si violent qu’elle doit crier. Cette mer, il est vrai, fut-elle jamais si belle, si violemment bleue, il est vrai que je la vois comme pour la première fois, et me mets à l’aimer, violemment, comme je désire M., comme si je n’aimais que ce qui me terrorise. Brusquement elle me saisit la nuque, et m’oblige à regarder le gouffre, je devrais fermer les yeux mais je ne peux pas, c’est trop beau, la tête commence à me tourner, je vais tomber, qui sait si elle me retiendra – mais maintenant c’est elle qui me serre le bras, à le broyer.

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