Borgès et la lézarde

Borgès et la lézarde

Mais lorsqu’Argos poussa son ultime soupir, Ulysse comprit que tous ses voyages avaient été vains. Au fond il n’avait fait que chercher l’amour, sans le savoir, comme tout le monde. Et celui qui l’avait le mieux aimé se trouvait chez lui, et venait de mourir sans que personne ait adouci d’une caresse son agonie. S’il avait gémi, toutefois, c’était moins de douleur que de cette joie, inespérée, de retrouver son maître.

Et voilà que moi aussi je me mets à pleurer, sur ce chien mort il y a des milliers d’années. Et sur cette vie qui m’échappa, comme à Ulysse et à tant d’autres ; j’ai rêvé d’être Homère, je ne suis qu’un aveugle.