“ L’homme est un loup pour l’homme ” : en cette maxime le professeur résumait ce qu’il savait du monde, et que la guerre lui confirma. Moi, il me baptisa l’homme aux loups, et l’exposé de mon cas fut publié à côté de l’homme aux rats et du petit Hans qui craignait les chevaux. A travers ces récits, Freud épanchait discrètement sa passion pour les bêtes, se souvenant sans doute qu’il avait autrefois rêvé de devenir zoologue. Pour ma part, je me flattai seulement de lui avoir fait perdre quelque peu ses repères : car au fil de ces pages, j’oscille allègrement entre une légère névrose et la plus incurable des schizophrénies. Mais me voilà bien avancé. Dorénavant, aussi célèbre qu’anonyme, je n’existerai plus que par ma pathologie. Peu importe que je meure ou non : l’article de Freud, lui, passera à la postérité. Pour unique salaire de cette vie que je lui avais confiée, mes dernières séances furent gratuites ; le professeur savait, par ailleurs, que j’étais trop ruiné pour le payer.