La dame et la licorne

La dame et la licorne

On courbait l’échine, chez moi, les rois comme les pauvres gens, car il fallait que le labeur avance, et aussi la charrue, et si un cheval manquait, au joug nous offrions notre gorge. Les collerettes n’y faisaient rien, nous avions le goût de servir, d’être souples comme tiges, comme ces Vierges de Flamands, aux corps frêles et aux visages lisses, qui devenaient lys complètement, lorsqu’un ange ordonnait.

Moi aussi j’ai pâli, durant ces nuits où l’on veille des morts, qui nous rendent plus humbles. Or je fus presque reine. Mais en ce temps, les noms de reines importaient aussi peu que ceux des artisans. Qui sait encore, voyant mes tapisseries, que je m’appelle Marguerite. Les reines-marguerites, c’est comme les reines-claudes, ça reste, quoi qu’il arrive, flore des bois.