Ecriture et psychothérapie avec des personnes souffrant d’addictions

Dans leurs histoires, ce qu’ils ont subi ils le reprennent sur un mode actif. Et à partir de la même ligne de faits, surgissent plusieurs possibilités de récits, divergents, voire contradictoires – pouvant sans cesse être repris, et modifiés. La fatalité se muant en choix, il devient possible de sortir de la répétition, par la construction d’un nouveau trajet. Et d’être pris dans une histoire, le présent reprend consistance. « Il faudrait trouver le fil, dans le passé, pour savoir où je veux aller », me dit un jour H. Cependant le nouveau moi qui émerge d’un pareil récit se révèle, dans une perspective rejoignant celle des bouddhistes, une pure fiction, ou ce qu’en épistémologie on appelle une fiction « heuristique » – un échafaudage nécessaire à de nouvelles constructions. Ce moi y rencontrant l’infini de ses possibles, des personnages qu’il aurait pu être, et qu’en un sens il est aussi, il devient, selon les mots de Ricoeur, « soi-même comme un autre » : le petit moi se mue en soi polyphonique.

« Le style, c’est l’homme même », disait Lacan citant Buffon – mais à ceci il ajoutait : « mais l’homme à qui l’on s’adresse ». Or pour ceux qui viennent me voir, en général tellement isolés, c’est bien, pour écrire, l’adresse qui fait défaut – et à la place de laquelle, dans un premier temps, je me propose, afin de susciter cette fonction reliante de l’écriture.

(extrait de Addictions et reliances, Les Impressions Nouvelles, 2017)

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